J’ai bien noté l’évolution de mon village numérique depuis le rachat de Twitter(land) par Elon Musk. Le boss a changé la pancarte à l’entrée du bled, fini l’oiseau bleu, maintenant c’est un grand X tout moche. Si tu veux vivre dans les quartiers les plus huppés (avoir plus de fonctionnalités), maintenant il faut raquer. Il a supprimé la police (modération) et maintenant ce sont les citoyens (abonnés) qui jouent les miliciens. De ce fait, il y a de plus en plus de monde qui n’hésite pas à déverser sa haine sur la place du marché, à sortir des fake news au bistrot du coin et les fachos courent les rues avec leurs étendards.
Perso, même si mon grand building (gros compte) garde de la tenue, les nouveaux habitants y arrivent de plus en plus lentement. Les seules qui ne manquent pas ce sont les péripatéticiennes qui me sautent dessus à chaque fois que je passe (que je tweete). Même si elles t’envoient des mots d’amour (likes), ce n’est pas de l’affection, c’est du harcèlement. Faut-il quitter ce bouge pour autant ?
La nomination du boss Elon Musk dans l’administration Trump et son soutien ouvert à des politiques d’extrême droite (comme la leader de l’AfD en Allemagne) sont déjà des preuves qu’il a fait de ce village un outil de propagande pour ses idées. Fort de son soutien pour faire élire le président Trump, il croit pouvoir faire de l’ingérence partout et y imposer son modèle de pensée. Avec avant tout une visée purement mercantile au service de ses affaires. Il a fallu employer les grands moyens (mute, blocage) pour éviter ses panneaux de propagande pro Trump qui envahissaient les rues pendant la campagne électorale américaine. Et combien de fois j’ai rusé pour ne pas le croiser sur les autoroutes (de l’information).

Cependant, comme tu le sais j’ai pris un cabanon dans un petit quartier arc en ciel et international. Même si une partie de mes voisines les plus sympathiques sont déjà parties ailleurs, ce qui m’oblige à faire des voyages en permanence pour les voir, je ne suis pas encore prête à déménager définitivement. Même si certains chercheurs sont là pour t’aider dans le déménagement (HelloQuitteX), c’est difficile de quitter un lieu où tu as tes habitudes depuis des années. Même si j’aime voir du pays (aller sur d’autres RS), rentrer chez moi ici est reposant. J’ai d’ailleurs vu que la verte Marine Tondelier voulait rester, contrairement à sa copine Sandrine Rousseau. Même si son but final est de nous empêcher de revenir dans ce bled, elle veut continuer à y exprimer ses idées.
Bref, j’ai l’impression de vivre dans le Mordor ici comme IRL. Ce n’est pas pour ça que je veux fuir. Je garde mes idées et mon esprit critique. Via mon petit cabanon, je suis en contact avec des gens du monde entier ici et, eux, nos petits débats dois-je quitter X ou pas, ils s’en contrefichent. Mes voisins ici sont des réalisateurs thaï ou taïwanais ainsi que des acteurs et ils n’hésitent pas à échanger et plaisanter avec tout le monde. Quand ils auront tous déménagé sous un ciel plus bleu, alors peut-être que je partirai moi aussi.

Par ailleurs, si tout le monde pensait la même chose, franchement ça me ferait flipper. Quelques rares médias choisissent néanmoins de rester pour continuer à lutter contre la désinformation en fournissant des contenus alternatifs et éducatifs. Ils croient que partir laisserait le champ libre aux discours toxiques. Tout comme eux, je pense qu’ils faut se placer dans un esprit de résistance, même si cela ne sera pas simple avec tous ces algorithmes qui te rendent invisibles. Mais il faut au contraire apprendre leur fonctionnement pour mieux les contourner, comme de tous temps ceux qui ont résisté au totalitarisme ont contourné la censure.
Même si c’est peut-être excessif, je me considère donc comme dans une sorte de zone occupée (ou contaminée) où je vais devoir ruser pour vivre tranquillement et éviter au maximum l’intoxication. Outre mes allées et venues sous un autre ciel, en zone « libre » et avec un air plus pur, je ferai de mon mieux pour maintenir ici les braises de mes idées progressistes. Histoire de dire à ceux qui pensent différemment des idées dominantes qu’un espoir peut renaître. Quand le vent de la raison soufflera de nouveau dans ces contrées numériques, je serai à la porte de la ville, le sourire aux lèvres, pour saluer ceux qui reviendront.

