Khemjira : mon avis

J’étais un peu dubitative en débutant Khemjira, on nous annonçait de l’horreur avec plein de fantômes inquiétants, et c’est vrai que le surnaturel ce n’est pas forcément ma tasse de thé quand on parle de drama en général.

Cependant, dès que j’ai vu Pharan/Peem (Keng Harit) débarquer et retirer ses lunettes noires, j’ai de suite été happée par son charisme tout chamanique. Du coup, on peut dire qu’il m’a envoutée pour aller jusqu’au bout de sa série.

Un BL ancré dans les traditions & croyances thaïlandaises

Adapté du roman Khemjira Will Survive de Cali, il met en scène Khemjira (Namping Napatsakorn Pingmuang), un jeune homme faisant l’objet d’une malédiction familiale qui est condamné à mourir avant ses 21 ans, et Pharan/Peem (Keng Harit Buayoi), un chaman de l’Isan (de la région nord-est de la Thaïlande). Ce qui rend la série particulièrement captivante, c’est son immersion profonde dans les traditions thaïlandaises, surtout celles de l’Isan, qui servent de toile de fond au récit. Ces éléments ne sont pas de simples ornements : ils enrichissent l’intrigue, explorent des thèmes comme la réincarnation, la protection spirituelle et les liens karmiques, tout en promouvant le « soft power » thaïlandais à l’international. La team a d’ailleurs été très attentive au ressenti des fans internationaux. Après quelques recherches tout au long de la diffusion, voici un aperçu des principales traditions mises en avant et leur rôle dans la série :

1. Les tatouages Sak Yant : Protection spirituelle et talismans

Les Sak Yant sont des tatouages sacrés thaïlandais, souvent réalisés par des moines ou des maîtres tatoueurs (ajarn). Ils combinent géométrie sacrée, animaux, divinités et mantras en pali (langue liturgique bouddhiste), censés conférer protection, chance et force spirituelle. Dans Khemjira, le personnage de Peem, le chaman, arbore un magnifique Sak Yant dans le dos. Ces tatouages symbolisent sa connexion au monde des esprits et son rôle de protecteur.

2. La cérémonie Son Khwan (ou Su Khwan) : Appel de l’âme

C’est un rituel lao-thaï (très répandu dans l’Isan) pour « rappeler » les âmes errantes (khwan), dispersées par un choc ou une maladie. Un maître de cérémonie (mor phon) chante des invocations, lie des fils blancs autour des poignets des participants et offre des offrandes (fleurs, riz gluant, œufs). Dans Khemjira, la série intègre ce rituel pour stabiliser l’âme de Khem, menacée par des esprits vengeurs. Il sert de pivot dramatique, renforçant les liens entre personnages et explorant la vulnérabilité face au surnaturel.

3. Croyances en les esprits (phi) et superstitions populaires

Le folklore thaïlandais regorge d’esprits comme les Phi Taek (esprits des maisons abandonnées) ou les Phi Pop (fantômes d’enfants). Une superstition clé est « Phi Tak Pha Kum » : les mères fantômes sortent sécher leurs couches le soir, kidnappant les enfants imprudents – d’où l’interdiction de jouer dehors au crépuscule. Dans Khemjira, Khem a le pouvoir de voir les fantômes. Des esprits vengeurs liés à ses vies passées hantent l’intrigue, culminant en confrontations horrifiques. Les jumeaux Thong et Ake (jeunes garçons) incarnent des légendes sur la perte d’enfants et la magie noire/blanche.

4. Croyances en la réincarnation et le karma

Influencées par le bouddhisme theravada, ces idées postulent que les âmes se réincarnent en fonction des actes passés (karma). Les liens d’une vie traversent les ères, via des dettes morales ou des protections. Dans Khemjira, l’histoire tourne autour de liens karmiques entre Khem et Peem, mais aussi ceux de Charn avec Jet, avec des flashbacks sur des sacrifices passés. Cela tisse romance et horreur, montrant comment l’amour transcende les vies.

Un casting excellent !

Je ne vais pas revenir sur mon choc visuel sur Keng Harit. Ce jeune acteur qu’on a pu admirer avec Jeff Satur dans The paradise of thorns, explose vraiment dans cette série où il est particulièrement bien mis en valeur dans le rôle du chaman. Il est très talentueux et son alchimie avec Namping est superbe.

Namping est lui aussi parfaitement à son aise dans ce BL dans le rôle titre de Khemjira et il m’a particulièrement émue dans une grande partie de la série, notamment dans tous les épisodes où il est éconduit par Peem.

J’ai aussi beaucoup aimé le couple secondaire, dont l’histoire est parfaitement développée (ce qui est hélas trop rare). Tle Matimum dans le rôle de Charn et First Wannakorn dans celui de Jet nous ont fait vivre leur merveilleuse histoire romantique qui traverse le temps et les genres.

A noter la qualité du choix des acteurs qui jouent les personnages dans des vies antérieures.

Côté antagoniste, Green Ausadaporn Siriwattanakul, a interprété Ramphueng avec talent et sans en faire trop.

Une réalisation et direction artistique de qualité

Le BL a fait appel à une grosse équipe tant pour la cinématographie que pour la réalisation (Ron Pattrapol, Aoftion Kittiphat Jumba, Den Panuwat Inthawat). Il y avait pas mal d’effets spéciaux plutôt bien faits (ce qui est vraiment une exception dans les BLs). L’image était de toute beauté et bien souvent j’ai été soufflée par la qualité des visuels et des costumes, notamment des tatouages de Peem qui sont d’un réalisme inégalé. Tout ce qui relève des traditions et rituels est aussi magnifiquement filmé. J’ai aussi beaucoup aimé la délicatesse des scènes NC, notamment la première nuit passée entre les leads où l’image est sublimée.

On sent vraiment que les moyens ont été mis et que les monteurs ont souvent été ennuyés de couper dans toute cette belle matière. Du coup, on se retrouve avec des épisodes qui font largement plus d’une heure, dont deux près de deux heures (ep 8 & 12). Donc, il faut prévoir du temps et de la concentration pour bien apprécier une telle oeuvre.

L’OST amplifie l’atmosphère occulte et romantique, en mélangeant ballades introspectives, chants traditionnels thaïlandais et touches mystiques. Elle a eu la capacité de capturer l’essence émotionnelle de l’histoire.

Tout ça pour dire que Khemjira sort vraiment des sentiers battus de l’industrie. On sent bien que toute la team a véritablement voulu non seulement nous faire partager une histoire intéressante, mais qu’elle a aussi souhaité faire mieux connaître ses traditions. Au delà du folklore un peu amusant que l’on a pu voir dans de précédentes séries, ici l’aspect pédagogique, sans être ennuyeux, est un plus pour ceux qui veulent mieux comprendre la culture thaïlandaise. Je quitte cette série avec des larmes, car le dernier ep est particulièrement émouvant. C’est le signe que cette histoire m’a non seulement envoutée, mais aussi touchée et c’est assez rare pour être souligné.

Un commentaire

Laisser un commentaire