L’autre jour voilà que je tombe sur le compte Instagram d’une personne que je connais très bien. Mais, voilà, la personne en question était bien différente de la réelle. Certes, nul ne peut dire qu’il connait parfaitement l’autre, mais là, il y avait tellement d’écart avec la réalité que je me suis interrogée sur le besoin irrépressible des gens à se mettre en scène sur ce média.
Tous les codes de la pub étaient là : la maison cosy, les jolis enfants, le chien de race ou les vacances en bord de mer. Un vrai conte de fées. La famille parfaite où tout semble aller super bien. Quelqu’un qui verrait ça, genre un créancier, se demanderait, si les problèmes financiers sont réels ou inventés ?
Pareil, pour cet autre que j’avais connu sur internet. Lorsque j’avais aperçu son Instagram, sa vie avait l’air cool, pleine de sorties et de fringues de marque de luxe. Alors que je savais que dans la réalité il était seul, plutôt alcoolique et avec des fins de mois difficiles. Je le voyais aussi publier des photos de bouffe, mais jamais il n’indiquait être un cuisinier professionnel. On avait seulement l’impression qu’il cuisinait de magnifiques plats pour le plaisir ou pour recevoir des amis.
Dans sa vidéo Les instagrameuses Cyprien raille les personnes qui postent leur vie pour avoir des likes sur Instagram. Loin de la spontanéité, la vie sur ce réseau nécessite un gros travail de mise en scène. Moyennant les bons angles de photos ou les bons outils de retouche, on arrive à avoir l’air beaucoup plus beau et riche que dans la réalité.
C’est qu’au delà du nombre de likes qui rassure les moins confiant(e)s, le truc peut devenir un vrai business pour certain(e)s. C’est certainement le cas pour la personne dont je vous parlais en début de billet. Une jolie façade pour alimenter son petit boulot d’appoint. Et aussi pour partager ses succès, histoire de faire comprendre aux autres qu’ils ne sont qu’une bande de losers qui n’arrivent à rien.
“ça crée une espèce de frustration permanente car, comme pour la pub, on a beau acheter des crèmes, on n’aura jamais la peau parfaite de la nana. C’est pareil avec la vie parfaite, on ne l’aura jamais non plus.”
Ça n’a pas toujours été comme ça, rappelle Titiou Lecoq, auteure, blogueuse, et journaliste spécialiste des réseaux sociaux dans un article du magazine ChEEk : “Au tout début, on ne maîtrisait pas du tout les règles, on pouvait mettre des photos qui n’étaient pas valorisantes. Aujourd’hui, il y a des codes esthétiques, on ne voit passer que de très jolies photos. Le côté brut, avec Instagram et ses filtres notamment, a disparu.” Pour elle, cette évolution a “le même effet pervers que la publicité: on a l’impression qu’il existe une vie parfaite, une bouffe parfaite, une maison parfaite, une déco parfaite, un mec parfait et des enfants parfaits”. Résultat, “ça crée une espèce de frustration permanente car, comme pour la pub, on a beau acheter des crèmes, on n’aura jamais la peau parfaite de la nana. C’est pareil avec la vie parfaite, on ne l’aura jamais non plus”.
Le court-métrage de Shaun Higton, intitulé What’s on your mind?, résume parfaitement le cruel décalage entre ce que l’on donne à voir sur les réseaux sociaux et ce que l’on vit vraiment. A la fin le type quitte les réseaux. Alors, pour vivre heureux vivons seulement dans la réalité ? Non. Cessons simplement de faire semblant. Restons juste un peu plus nous même tout en protégeant nos vies privées. Ne tombons pas non plus, comme je le vois trop souvent, dans l’excès inverse, en se dévalorisant. Soyons honnête avec l’image que nous renvoyons. Personnellement, j’aime publier de jolies photos de mon jardin ou de mes voyages. Cela ne me définit pas. C’est juste une petite part. Tout comme publier quelques unes de mes pensées ici en est une autre.
Néanmoins, à l’instar de nombre de blogueurs des origines, je prends de plus en plus mes distances avec l’outil numérique, même si je reste très connectée. J’y suis obligée comme beaucoup, car professionnellement tout nous y ramène. Mais, j’évite d’en être dépendante. Donc, il ne faut pas s’étonner si parfois je « ghoste » certaines personnes. C’est juste qu’il faut que je m’éloigne par moment pour pouvoir faire d’autres choses.
Superbe description de la tyrannie du net, je ne peux qu’être absolument d’accord avec toi, franchement bravo !!!!
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