Du LOL aux larmes

Je ne pouvais pas ne pas écrire sur l’affaire de la ligue du LOL. Oui j’ai vécu ici (et ailleurs) à cette époque des débuts de Twitter. Et depuis les premiers témoignages, je suis effarée. Certains journalistes en vue, des cadors du réseau étaient en fait de violents harceleurs de féministes, de racisé(e)s, de LGBT… Plus les tweets tombaient, plus je me sentais de plus en plus mal. Il était question de types que je suivais depuis des années, dont j’avais sans doute partagé les écrits, dont j’avais de ce fait certainement été la complice, inconsciente, de leurs méfaits en ligne. Non, sincèrement, je n’avais rien vu. Et je me suis sentie aussi stupide que ces voisins interviewés lorsqu’on arrête un criminel : « Non monsieur, il avait l’air tout à fait normal et poli. On tombe des nues ! ».

C’est qu’en fait, chacun vivait dans son propre monde. J’avais beau suivre ces gens, je n’étais pas de leur monde. Ils suivaient très peu de personnes en fait, comme une sorte de snobisme numérique. Moi, j’étais dans le combat politique et il était loin d’être tendre. Mais, quand j’étais attaquée, je n’étais pas seule. Nous étions, nous aussi une sorte de meute et nous pouvions mordre aussi fort que ceux qui venaient nous chercher des noises. Tout n’a certainement pas été d’une finesse, ni d’une intelligence débordante, mais c’est vrai que nous avons beaucoup ri.

Florence Desruol, une adversaire politique aux propos souvent caricaturaux, était souvent moquée. Lorsque j’ai vu son nom parmi les harcelées, j’ai compris, sans aller éplucher mes vieux tweets, que je devais certainement avoir contribué à mon petit niveau à l’effet de meute qui a pourri sa vie en ligne. Même si nous sommes anonymes, nous sommes tous responsables de ce que nous produisons en ligne. Et ce qui peut ressembler à une plaisanterie potache a des conséquences sur la personne qui est visée. Car, ne l’oublions jamais, derrière les avatars il y a de vraies personnes avec leurs fragilités.

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Depuis, je lis tous ces règlements de compte en ligne et l’ambiance est lourde. Il y a ceux qui s’interrogent si tel ou tel faisait partie de la sombre ligue et ceux (même parmi les plus influents) qui affichent leur passé de harcelé. Parmi les loleurs certains ont tenté assez maladroitement de présenter leurs excuses en ligne, espérant échapper aux sanctions qui sont néanmoins tombées pour certains. Pour ma part, j’ai unfollow les trois ou quatre que je suivais. Et j’ai préféré suivre quelques femmes journalistes à la place.

Une fois de plus, et dans la foulée de #MeToo , le sujet s’est élargi au sexisme qui gangrène le journalisme. Puis, bien au delà, à tous ces boys clubs qui portent en leur sein une masculinité toxique, hétérosexuelle et blanche. Et ce sujet étant universel, il a quitté le net, pour être discuté dans la réalité et au sein d’autres professions. Moi même j’ai évoqué le problème avec des collègues masculins.  Mais, même si la prise de conscience est réelle, on est encore loin de mettre fin à des millénaires de domination masculine.

Dans le chaos de la création des réseaux sociaux, je n’ai pas toujours fait que des trucs dont je suis fière. Même si je n’ai jamais été aussi brutale que ces loleurs, j’ai sans doute été stupide bien des fois. Et ce qui me semblait normal, à savoir que chacun vient ici à ses risques et périls, ne l’est plus aujourd’hui. Dans ce contexte, je pense que chacun doit revoir profondément ses pratiques sur internet afin que le réseau retrouve, si ce n’est de la bienveillance, au moins de la civilité.

 

 

 

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