Confinée – semaine 1

Journal d’une blogueuse confinée pendant l’épidémie du Coronavirus.

On s’en doutait un peu vue l’évolution de la situation sanitaire depuis une semaine, mais voilà que nous nous sommes tous retrouvés confinés chez nous à partir du lundi 16 mars 2020, et officiellement en France depuis le 17 mars à midi, à cause du nouveau fléau, l’ennemi de l’humanité : le Coronavirus.

Me voilà donc depuis en 24/7 avec ma famille. On les appellera T. et M. dans la suite du récit. Je dois préciser que nous sommes confinés dans des conditions très privilégiées de part notre choix de vivre en province. Notre habitation principale est une grande maison à la campagne avec jardin. Nous avons un bureau indépendant chacun, tout équipé pour le télétravail. En effet, le travail à distance est déjà largement développé dans notre secteur d’activité. Alors, ce jour là, nous avons fait comme d’habitude : nous avons allumé la box et connecté le VPN. Nous avions juste allumé un cierge pour qu’il tienne (et il a tenu).

T. fait (un peu) grise mine, car en deuxième année de classe prépa, le voilà confiné à quelques semaines des concours. Pour le reste, s’agissant d’un gamer, le confinement ne lui fait pas peur. Je dirai même que c’est plutôt son état normal. Assez vite dès lundi, ses professeurs ont pu assurer les cours par internet. Cela s’est relativement bien passé pour lui. Un peu moins pour d’autres moins bien équipés en matériel informatique. En parallèle des cours, il échange avec les autres élèves via Discord. Néanmoins, il n’est plus qu’à 50% de cours, bien loin du rythme effréné de la normale. A date, il ne sait pas vraiment si les concours seront maintenus ou pas. Il a surtout peur de devoir faire une année de plus.

M., lui bosse dans les ressources humaines. Il angoisse sur cette maladie depuis qu’elle est apparue en Chine. En effet, il souffre déjà de diverses pathologies (les fameuses co-morbidités) et ce virus est certainement très dangereux pour lui. Déjà, il m’avait regardée d’un sale oeil lorsque j’avais assisté le mardi précédent à un spectacle de danse. Tout juste si je n’étais pas une criminelle.

Lundi : début du confinement

Dès le lundi, nous avons reçu un mail de nos employeurs nous enjoignant de rester chez nous. De ce fait, pour nous le confinement a commencé avec un jour d’avance. Après ce premier mail, nous avons tenté de travailler normalement, mais les messages « spécial Coronavirus » se sont succédés toutes la journée ainsi que les call pour préciser les modalités pratiques pour assurer la continuité d’activité.

Au bout du fil, les collègues étaient entre angoisse et résignation, certains clairement dépassés avec les enfants à la maison ou avec des problèmes de logistique. De mon côté, je fais semblant de rester concentrée, mais en fait une foule de questions se pressent dans ma tête. Je pense que je serais plus utile ailleurs, mais je dois assurer le back-up de ma boss au cas où.

M. devant gérer plein de problèmes RH associés au confinement, passe sa vie en réunion de crise. Je fais des pauses café avec lui pour discuter des dernières nouvelles du front. C’est un peu le chaos, car certains salariés n’avaient pas d’ordinateur portable. Partout, plein de trucs qui n’étaient pas autorisés jusque là, l’ont été au final, ce qui a permis de débloquer beaucoup de situations. L’objectif pour les entreprises est et sera tout le long de la crise de maintenir l’appareil de production en état de fonctionner, même si on suppose que la productivité sera largement entamée pour diverses raisons.

T. nous indique de son côté qu’il mourrait plus facilement d’une crise d’asthme que du Corona virus, le voilà à court de Ventoline. Heureusement, le médecin de famille contacté par téléphone nous a envoyé dès le lendemain une ordonnance par mail. Il faut une telle crise pour que le déploiement de pratiques numériques se réalise. S’il peut en rester quelque chose après tout ça, on ne pourra que s’en féliciter.

Mardi : Le confinement officiel «  Nous sommes en guerre »

Nous gardons nos rituels matinaux. Le seul truc qui change, c’est que le chemin du travail est nettement moins encombré. Pas mal de collègues parisiens étant sur le chemin de l’exode, le nombre de mails reçus se tarit. J’imprime la fameuse attestation du ministère de l’intérieur pour mes co-confinés. Je tente de travailler normalement tout en suivant l’actualité sur mon smartphone. Depuis le début de l’épidémie, j’avais promis d’être plus présente sur mon compte Twitter afin que la beauté illumine notre sombre réalité. Je m’y emploie depuis du mieux que je peux pendant mes pauses et le soir. En parallèle, j’échange avec un ami médecin en mode marraine de guerre. J’ai lâché temporairement mon hibernation sur NETFLIX pour les réseaux sociaux.

Mercredi : tout est (presque) normal

Nous faisons comme si tout était normal, mais le coeur n’y est pas. Je pense aux collègues imprudents qui sont partis en voyage depuis le début mars. Vont-ils pouvoir revenir ? Moi j’ai fait une croix sur mes périples de l’année. Ces moments de respiration et d’inspiration indispensables pour moi. Je devais aller à Rome et en Chine. La bonne blague. C’était sans compter sur notre ennemi à tous.

Curieusement, maintenant, je me sens beaucoup plus proches des gens du monde entier qui me suivent sur Twitter. J’essaie de tweeter mon quotidien de confinée ainsi que les pensées contradictoires qui m’assaillent. Je suis plutôt d’un naturel mélancolique, mais là depuis le début de l’épidémie, je me lâche un peu. Dans la foulée de mon addiction aux sageuks, j’ai poursuivi promotion de l’Hallyu, la vague coréenne. Un peu taquine, je publie des pics de très beaux acteurs ou chanteurs de K-Pop. Je découvre l’Army de BTS et toute sa puissance. Je continue mon immersion dans le phénomène avant d’écrire un truc drôle dessus. Cette légèreté acidulée compense la lourdeur du contexte que nous vivons tous. Cela me donne de la force de me tourner vers les autres et de soutenir le moral de pas mal de gens.

Jeudi : la sortie courses.

Ce matin là, j’avais été désignée pour aller au ravitaillement. En effet, le frigo était vide, et il fallait que quelqu’un se dévoue. J’ai donc filé, juste armée de mes gants en cuir et de mon attestation dûment remplie, vers le supermarché le plus proche. C’était le matin à l’ouverture. Les entrées étaient filtrées par un vigile. Se tenant bien à l’écart, il nous laissait passer au compte-gouttes. Dans la file d’attente, nous gardions nos distance chacun derrière nos caddies. Beaucoup portaient des masques ainsi que des gants en plastique. Les mines étaient graves et silencieuses. Nous n’oubliions pas que nous étions dans ce qu’on appelait un cluster avant le confinement. Une voiture de la gendarmerie nous longea au ralenti. Ces derniers ne jouèrent pas les cowboys et s’éloignèrent en nous détaillant comme des pestiférés. J’entrai bientôt, il avait peu de monde à l’intérieur et ceux que je croisais, je m’en tenais bien éloignée. Je ne traînais pas non plus, ne trouvant pas tout de la liste. En effet, tout ce qui étaient surgelés, boîtes ou pâtes avaient été largement dévalisés sans doute les jours précédents. Je me limitais au nécessaire, loin des achats compulsifs de certains. Les caissières assuraient leur activité derrière une barrière de plexiglass. Tous les clients les encourageaient. Au retour, je déposais mes vêtements et gants dans le garage après avoir monté les courses. Ensuite, je procédai à un lavage soigneux des mains et à une désinfection à l’alcool des poignées de porte.

Vendredi : ne pas faire d’erreurs

Au final, dans le confinement, tout revient à définir des stratégies pour éviter d’être contaminé par quelque chose ou quelqu’un venant de l’extérieur. Le virus pouvant rester actif assez longtemps sur certaines surfaces. On s’habitue vite aux gestes barrière dès qu’on a en mains un truc qui a pu être potentiellement être touché par quelqu’un (poubelles, journaux, courses…). On essaie de ne pas faire d’erreurs.

J’appelle ma mère et son compagnon pour voir si tout va bien de leur côté. Ils ne sortent plus et se font livrer le ravitaillement par des membres de la famille. Eux, généralement entourés de monde doivent trouver le temps bien long. Rassurée de ce côté, je poursuis mon activité un peu surréaliste. Nul n’est dupe de la complexité de la situation. Nous faisons plus de psy que de pilotage, mais c’est normal. La hiérarchie n’est pas dogmatique, nous sommes clairement en best effort hormis pour les salariés assurant la continuité d’activité.

Fatigue de la semaine aidant, face au nouveau décompte morbide du DGS et aux rumeurs sur le tri des malades, M. nous fait une crise d’angoisse. Il se voit mort avant la fin de l’épidémie. Nos mots n’arrivent pas à le rassurer. Je m’éloigne après le repas pour faire retomber le bad mood qui s’en suit. Je mets en boucle l’album «  The eye of the storm » du groupe de rock japonais One Ok Rock (mon album du confinement).

Samedi : on se bouge un peu

L’arrivée du WE n’est pas de trop. Le télétravail était devenu envahissant, nous y passions jusqu’à 12h par jour. J’attaque la rédaction de cet article, tout en éliminant un minimum de poussière en guise d’activité sportive. En effet, j’avais demandé à la dame qui m’aide pour le ménage de ne pas venir, tout en lui garantissant un salaire normal durant la période de confinement. Je sais qu’elle s’occupe de personnes âgées par ailleurs, pas la peine de rajouter des contacts inutiles. T. retourne à ses jeux de stratégie en ligne et M. prend le soleil en tondant l’herbe dans le jardin. L’atmosphère est redevenue beaucoup plus sereine que la veille.

Dimanche : ça va durer

Voilà déjà une première semaine de passée. Quelques contacts dans le secteur de la santé nous annoncent un pic épidémique vers le 12 avril. Je n’imagine pas de ce fait que nous sortions du confinement avant la fin avril, hormis si nous sommes massivement testés. Personnellement, je n’ai pas peur. J’ai juste l’angoisse de refiler la maladie à mes proches plus fragiles. Donc, je ne sortirai que si c’est vraiment indispensable.

Par ailleurs, je ne veux pas entrer dans la polémique autour de la mauvaise gestion de la crise. J’en vois faire le procès de Nuremberg avant d’avoir gagné la guerre. Je pense qu’à ce stade nous devrions tous être soudés et solidaires. Le temps des comptes viendra plus tard. Là, nous n’oublierons pas, en pleurant nos morts, que nous avions manqué de masques, de tests ou de respirateurs. Alors oui, si nous sommes encore là, nous irons chercher les responsables et ils seront sanctionnés dans les urnes. Car, j’espère que d’ici là nous vivrons toujours dans une démocratie. Oui, ce sera plus tard. Quand nous aurons terrassé, tous ensemble, l’ennemi de l’humanité. Prenez-soin de vous.

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