Retour en salle (obscure)

Au 22 juin, les salles de cinéma ont pu réouvrir et je n’ai pas manqué cette occasion pour assouvir un peu de mes passions. En effet, le cinéma est sans doute celle qui fut ma première passion. Débutée dans l’enfance avec quelques grands évènements comme la sortie d’un Disney ou d’un gros film d’action américain, elle s’est véritablement forgée avec le grand écran du centre culturel de mon quartier qui passait des chefs d’oeuvre du 7ème art, comme, notamment, les merveilleux films de Fritz Lang « Le tigre du Bengale » et « Le tombeau hindou ». Je préférais sécher le catéchisme pour la danse du serpent de Debra Paget.

Ce mercredi là, de retour dans le complexe le plus proche de chez moi, il n’y avait pas plus de dix personnes dans la salle, et nous étions tous bien distants les uns des autres. Le film était sans doute un peu trop sérieux pour une reprise et bien loin d’envoyer du rêve. Il s’agissait du film « L’ombre de Staline » d’Agnieszka Holland. Sortie en mars la semaine du début du confinement, l’oeuvre avait sans doute sommeillé là jusqu’au 22 juin. Assise au centre du dernier rang, tout en haut de la salle, je gardais mon masque tout le long de la projection, même si le protocole sanitaire autorisait les spectateurs à le retirer une fois installés. A l’issue du film, je suivis le parcours de sortie de l’autre côté de la salle et, jetant un coup d’oeil vers les guichets, je n’y vis pas beaucoup plus de monde qu’à mon arrivée.

Il fut un temps où je fréquentais assidûment les salles obscures. J’étais une vraie cinéphile, accro aux salles d’art et d’essai et dévorant la presse spécialisée. Cette forte assiduité dura près de vingt ans. Un amour du cinéma que j’ai, le plus souvent, vécu seule. Adolescente, j’emmenais parfois ma petite soeur voir des films trop compliqués pour elle. Cette dernière me posait alors des questions toutes les deux minutes, perdue par exemple dans la foule des personnages d’un film de Lelouch. Plus âgée, j’y allais seule, rentrant du travail. Très rarement accompagnée d’un fiancé, puis d’un mari qui n’appréciait pas particulièrement de se déplacer pour voir un film.

Bien plus tard, lorsque je devins mère, je n’avais hélas plus le temps pour le grand écran. Alors, je le remplaçais par une collection de DVD, puis par la VOD. Je tentai un retour en salle lorsque mon fils fut assez âgé pour apprécier autre chose que des dessins animés, mais je n’arrivai pas à lui transmettre ma passion. Donc, je repris mes fréquentations en solitaire. Néanmoins, j’avais définitivement ralenti. Il me fallait de vrais bons films pour m’attirer. Et, pour les moins bons, les plateformes de streaming avaient déjà fait leur apparition.

Ce soir de reprise post-confinement, au fond de mon fauteuil et plongée dans le noir, je songeais à toutes les oeuvres et à tous les acteurs qui m’avaient faite vibrer devant des écrans géants. Outre cette chère Debra, je me souviendrai toujours du sourire lumineux de Brad Pitt sortant de l’onde dans « Et au milieu coule une rivière », de la musique de «Furyo» sur fond de face à face David Bowie/Ryuichi Sakamoto, de la scène torride d’entrée de «37°2 le matin», des images sublimes d’ «Excalibur» de John Boorman, des retrouvailles émouvantes des deux soeurs dans « La couleur pourpre » de Spielberg… Tellement de bons souvenirs en ces lieux. Tellement de plaisir et d’émotions aussi.

Aujourd’hui j’ai un large écran dans mon salon et un autre relié à mon ordinateur. Cependant, même si je peux profiter de ces bonnes conditions de diffusion pour regarder des films, il me manque quelque chose que je ne retrouve qu’en salle. En effet, il n’y a qu’en ces lieux magiques que j’entre véritablement dans une oeuvre. Concentrée au maximum, j’arrive parfois à m’imprégner tellement d’un personnage que j’en ressens totalement les émotions. Cette sensation unique se prolonge encore quelques instants lorsque je sors de l’obscurité. C’est comme si j’habitais encore le corps d’un acteur/une actrice.

Ainsi, lorsqu’on me demande pourquoi je brave les risques de Covid, pour retourner dans les salles obscures, je réponds que rien ne les remplace. Tout comme il est aberrant pour moi d’assister à un concert ou à une pièce de théâtre derrière ma télévision, les films réalisés pour le cinéma doivent être appréciés dans les lieux de diffusion prévus à cet effet. Alors, si comme moi vous aimez ces endroits, soyez prudents, mais retournez-y. De bien belles émotions vous y attendent.

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