C’était un moment hors du temps. L’un de ces moments où le coeur et l’esprit s’emballent pour une improbable raison. L’un de ces moments qui vous font des – beaux – souvenirs. L’un de ces moments qui valent d’être vécus. Pour simplement dire, j’y étais, et j’ai diablement kiffé.
Alors oui, tout avait commencé de façon habituelle. J’enchainais les séries BL depuis janvier 2021 avec plus ou moins de bonheur, essayant de slalomer entre les mignonnes et celles plus problématiques. Je tombais sur une petite série taïwanaise sans prétention nommée We Best Love. Elle était diffusée sur WeTV une plateforme de streaming asiatique. Au départ, rien de vraiment extraordinaire. Une histoire de lycéens ennemis qui tombent amoureux. Des acteurs plutôt beaux, mais sans plus.
Alors non, je ne sais comment tout cela avait vraiment commencé. Je sais que j’avais beaucoup aimé cette petite série et surtout le jeu très sincère des deux acteurs principaux. Sam est ce qu’on peut appeler un « idol » membre d’un groupe de garçons, il fait aussi l’acteur depuis quelques temps. YU était un inconnu. Mi japonais, mi taïwanais, il est principalement chanteur, mais débutait comme comédien.
Je n’avais rien vu venir. Surtout pas les manoeuvres de la société de production Result.Entertainment qui dès la fin de la première saison, nous avait attrapé par le colbac, bien décidée à ne pas nous lâcher. Bref, il n’y avait qu’un mois entre la première saison de 6 épisodes et la suivante. Il y avait comme un suspens entre les deux périodes, alimenté par un mini épisode spécial qui rajoutait plus de questions encore. Dans ce laps de temps, aucune journée sans que nous ne soyons alimentés par des photos, lives sur Instagram, évènements de fans service, scènes coupées, extraits de behind the screen. Bref, moi et mes semblables, de plus en plus nombreux, nous ne respirions plus. Nous étions nourris jusqu’à l’étouffement et heureux de l’être.




Etait-ce la faute de – nos – hommes, aussi sincères (bons acteurs) en dehors que dans la série ? Le fait est que je me souviens très bien du moment où tout a basculé. Du moment où je suis passée de la simple amatrice à quelque chose de plus fort. C’était lors d’un évènement de promotion où étaient diffusés en avant première les deux premiers épisodes de la saison 2. Le show se déroulait dans une salle à Taïwan, mais les fans locaux nous en avaient largement diffusé des extraits et photos. L’émotion des deux acteurs principaux était visible, l’un et l’autre jetant des larmes devant un public tout acquis à leur cause. Libéraient-ils toute la tension accumulée dans l’attente de l’accueil réservée à cette suite bien différente de la première ? Le fait est qu’ils étaient touchants nos petits Sam et YU. Et, comme je ne peux résister à un homme qui pleure – encore moins deux – ils m’avaient eu. J’étais attrapée. Baptisée et prête à devenir un membre actif toute destinée à promouvoir leur culte. Bref, j’étais devenue fan. Ou pour être plus dans l’air du temps, j’étais devenue « stan ».
Après c’était fini. J’avais perdu mon libre arbitre. Et, il n’y avait plus rien de raisonnable. Comme passer du temps devant un live où tu ne comprends pas un traitre mot, mais où juste les voir est un bonheur sans nom. Essayant de traquer leur plus belle expression et en faire une copie d’écran qui sera publiée sur Twitter avec des commentaires plein de superlatifs. Savoir que ton tweet sera liké par les autres « stan » et que ça t’en amènera d’autre. Car, ce qu’il y a d’intéressant dans ce culte, c’est son côté communautaire. Loin du plaisir solitaire d’amateur de séries asiatiques, tu sais que tu fais partie d’un petit club international. Chacun échange ses impressions, ses théories, ses sourires, ses émotions. Tu sais que tu n’es pas seul au royaume des nerds.
J’avais commencé les montages vidéos avant, mais ce sont Sam & YU qui m’ont vraiment inspirés pour me lancer vraiment et sérieusement dans cette activité artistique. Et à la différence de ceux que je réalise maintenant, les leurs étaient plein de scènes extraites des lives et autres évènements en dehors de la série. C’était juste, que pour moi, il y avait peu de différence entre SamYU et DeYi. Les deux garçons s’entendaient tellement bien, étaient si proches l’un de l’autre, qu’on ne pouvait distinguer les acteurs de leurs personnages. J’ai d’ailleurs fait mes meilleurs scores avec eux, car moi aussi, au delà de la qualité laissant à désirer de ces vidéos, j’étais sincère. Et, je n’en suis pas restée là. Outre les photos tournées en oeuvres d’art numériques, je les ai peints sur une vraie toile et ils m’ont inspirés en modelage, sans compter ma propre version de la suite de leurs aventures.
Aujourd’hui, la fièvre est retombée pour moi. Même si je suis toujours leur travail, les acteurs sont partis chacun de leur côté. Et moi ma vie de sériephile s’est poursuivie, mais sans qu’un tel coup de coeur ne se reproduise. Je vois toujours certains membres de la communauté qui restent coincés dans cette série, s’auto-nourissent de vieux extraits, décortiquent la moindre nouvelle photo, restent à l’affût de la plus insignifiante information ou rédigent des fanfictions pour faire perdurer la flamme. Quand je les observe, je me demande si j’étais vraiment stan ou si c’était juste une passade ? Le fait est qu’à la faveur de la diffusion d’une édition spéciale de la série, remontée avec des scènes coupées, j’ai retrouvé un peu des sensations de l’époque. Mon souffle coupé lorsque les acteurs s’enlacent, leurs scènes d’intimité plus vraies que nature. Je croyais que le feu était éteint, mais il y avait encore des braises. Il ne faudrait que des nouvelles de l’imminence d’une saison 3 pour que toute ma personne ne s’embrase à nouveau.